Les Militants Désabusés
A propos de la transition agricole :
Je suis en faveur d'une agriculture écologique, qui fait des efforts pour réduire son impact sur l'environnement.
A propos de la transition alimentaire :
Mes choix en termes d’alimentation dépendent beaucoup de la question climatique qui motive en particulier mon envie de consommer plus local et de saison.
Ce travail repose sur la segmentation de Destin Commun en 6 familles de valeurs.
1. Rapport à l'agriculture :
une distance critique
Les Militants Désabusés est la famille de valeurs qui a la moins bonne image des agriculteurs en général. Même si cette image reste positive à 86%, on observe une très forte défiance vis-à-vis de l'agro-industrie, de la grande distribution, des grandes exploitations et de l’agriculture conventionnelle. De même, leur perception des spécialités agricoles dont l’image est associée à une agriculture intensive, utilisatrice de produits phytosanitaires (élevage et grandes cultures) est notablement plus négative que le reste de familles de valeurs et peut se lire à l’aune du jugement négatif qu’émettent les Militants Désabusés sur la durabilité de l’agriculture (30% pensent qu’elle est respectueuse de l’environnement et de la biodiversité, 57% en moyenne des Français).
Ils sont enclins à cibler les aides pour les agriculteurs qui font des efforts sur le plan environnemental et tout ce qu’ils y rattachent (bio, petites exploitations). Par opposition, seuls 3% veulent augmenter les aides à destination des grandes exploitations, 9% à destination du conventionnel, 6% pour ceux qui exportent la plupart de leur production, mettant en évidence une approche polarisée du monde agricole. On note ainsi qu’ils admettent plus que la moyenne que l’agriculture recouvre des réalités différentes (87% contre 82% en moyenne).
À l’inverse, ils figurent parmi les premières familles de valeurs à avoir une image positive des bios et des petites exploitations agricoles. S’il fallait résumer leur rapport à l’agriculture en une phrase : les Militants désabusés sont attachés à une agriculture qu’ils considèrent comme non productiviste et respectueuse de l’environnement. Ils sont les premiers défenseurs de la bio.
La distance critique vis-à-vis de l’agriculture et des mondes agricoles se traduit aussi dans un soutien notablement plus faible aux mobilisations agricoles de l’hiver 2024 comparativement à la moyenne des Français et aux autres familles de valeurs. À ce titre, à rebours des autres, ils affirment davantage que les mobilisations n’ont pas eu d’incidence sur leur manière de consommer.
Toutefois, ce regard critique est le reflet d’une exigence à combiner à la fois la préservation des conditions de vie des agriculteurs, les exigences environnementales et bien-être animal notamment. Les Militants Désabusés sont ainsi les premiers à souhaiter encourager la transition vers une agriculture écologique pour protéger la biodiversité, plaçant ce modèle quasiment au même niveau que le modèle de redéveloppement de petites fermes assurant la souveraineté alimentaire locale.
Leur priorisation du sujet climat en fait la famille de valeurs qui soutient le plus une agriculture écologique et sans pesticides, qui fait des efforts pour réduire son impact sur l'environnement et ils jugent à ce titre que les normes en matière de protection de l’environnement sont insuffisantes. De même, c’est la famille de valeurs qui se déclare la plus prête à favoriser une agriculture biologique quitte à ce que l’alimentation coûte plus cher.
2. Rapport à l'alimentation : des individus déjà engagés et très attachés à la bio
Les Militants Désabusés sont la famille de valeurs qui déclare le moins de changements dans leur alimentation ces deux dernières années, notamment sur la baisse de consommation de viande, mais c’était la première à déclarer l’avoir fait dans notre sondage de 2021. En 2024, ils sont d’ailleurs 36% à déclarer avoir déjà réduit leur consommation de viande (contre 25% sur l’ensemble de la population). La transition alimentaire est engagée depuis déjà longtemps).
Ils sont particulièrement disposés à changer leurs comportements alimentaires et sont plus fortement motivées par la question environnementale. La bio est à ce titre le seul régime alimentaire vers lequel les Militants Désabusés déclarent avoir notablement plus que la moyenne fait évoluer leur régime alimentaire ces deux dernières années.
L’attachement à la bio, que l’on retrouve aussi bien sur les questions agricoles qu’alimentaires (à la différence des Libéraux Optimistes) se traduit par ailleurs par le fait que les Militants Désabusés sont la première famille de valeurs déclarant souhaiter davantage se rendre en enseigne spécialisée pour l'achat de produits bio si elle en avait les moyens (à raison de 50€ de plus par jour et par personne). La consommation doit chez eux concilier local et mode de production respectueux de l'environnement.
L’argument de la protection de l’environnement est chez eux notablement plus fort pour expliquer beaucoup des évolutions alimentaires qu’ils déclarent au cours des deux dernières années : le moins de viande, la consommation de saison, de produits locaux et de produits bio.
Concernant la consommation de viande, les Militants Désabusés font, beaucoup plus que le reste de la population, le lien avec la question environnementale. Toutefois, même si ce dernier argument est fort pour motiver leur baisse de la consommation de viande, le premier argument de cette transition est, à rebours du reste de la population, la question du bien-être animal.
La question du bien-être animal motive ainsi leur plus faible consommation de viande ou de produits issus de la production animale. Ce sujet est d’ailleurs, rappelons-le, une priorité identifiée pour l’avenir de l’agriculture. Mais au-delà de cet argument, la disposition des Militants Désabusés à consommer moins de viande peut aussi tenir à un espace social alimentaire dans lequel figurent davantage de personnes ayant adopté des régimes alimentaires végétaliens ou végétariens. Cette présence forte explique enfin la meilleure image qu’ils se font de personnes adoptant ces régimes.
3. Recommandations : comment leur parler d'agriculture et d'alimentation ?
Opportunités sur lesquelles s’appuyer :
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Capitaliser sur leur attachement au petit : faire converger leurs positions avec celles d’autres familles de valeurs (Laissés pour compte, Stabilisateurs, Identitaires), tout en les nourrissant suffisamment pour qu’ils deviennent ambassadeurs d’une agriculture à visage humain.
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Faire de leur attachement aux figures d’expert un levier pour maintenir leur engagement et réduire la distance qui les sépare des mondes agricoles.
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Le bien-être animal est un levier d’engagement et un argument notable qu'ils peuvent mobiliser autour d'eux, au-delà du message environnemental.
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Les faire adhérer à la lutte des agriculteurs en soulignant la convergence entre exploitation de la terre et préservation de cette dernière et en adressant frontalement les grands enjeux et défis qui sont ceux du monde agricole aujourd’hui.
Écueils à éviter :
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Ne pas les oublier dans la communication : une communication qui pourrait être amenée à cibler d’autres familles de valeurs, potentiellement plus éloignées des positions des Militants Désabusés, ne doit pas les désinvestir de leur identité militante.
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Un message trop « terrien » et teinté de localisme pourrait avoir un effet repoussoir ;
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Mobiliser en positif et non en négatif, pour ne pas renforcer les clivages ;
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En les mobilisant, ne pas susciter de rejet de la part d’autres franges de la population.
Déplacements à opérer :
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Passer de mobilisations autour de la question environnementale à la convergence avec d’autres causes, comme celle du bien-être animal, de la préservation des espèces, des paysages ;
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Passer d’un discours sur l’agriculture durable à une vision d’une agriculture écologique, porteuse de justice sociale.
Narratif à mobiliser :
En soutien d’une agriculture et d’une alimentation plus en phase avec les enjeux environnementaux, leur donner la main en en faisant des passeurs d’information et en leur fournissant les outils pour défendre des modèles vertueux à leur échelle.
Angles à privilégier :
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Donner les preuves scientifiques de l’incidence de l’alimentation et de l’agriculture sur l’environnement et évoquer les impacts sociétaux ;
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Mettre en avant le soutien nécessaire aux minorités agricoles (maraîchers, apiculteurs, éleveurs et agriculteurs bio, femmes, etc.) pour un secteur plus vertueux ;
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L’engagement citoyen passe par l’action locale.
Pistes d’action :
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Structurer leur mobilisation au sein de boucles d’information en continu (Telegram, Whatsapp)
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Produire du contenu sur les modèles agricoles minoritaires (maraîchers, apiculteurs, éleveurs et agriculteurs bio, femmes, etc.) ;
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Régulièrement mettre le doigt sur les défis que rencontrent les transitions agricoles et alimentaires et les encourager à être à l’initiative d’actions positives au niveau local ;
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Développer leur connaissance des mondes agricoles en proposant des contenus à fort écho médiatique, à la croisée entre agriculture et environnement, via notamment des partenariats médias ciblés, donnant la voix à des experts du secteur, des sociologues, des économistes.
Émetteurs entendus ces derniers mois sur les questions d’agriculture et d’alimentation :
Agriculture : l’État, les associations de protection de l’environnement et les responsables politiques de gauche sont notablement plus entendues par les Militants désabusés sur les questions agricoles en comparaison du reste de la population. Les journalistes et présentateurs TV jouent aussi un rôle important.
Alimentation : les journalistes, associations de consommateurs et associations de protection de l’environnement sont les émetteurs dont ils entendent le plus parler d’alimentation. Les enseignes de supermarchés leur sont moins audibles que le reste de la population.