top of page

Comprendre et s'adresser aux pragmatiques résignés

19% des agriculteurs que nous avons interrogés considèrent que la transition écologique du secteur agricole est une nécessité, tout en ne souhaitent pas encourager un enfant de leur famille à devenir agriculteur. 

Ce profil un peu plus pessimiste que les autres a tendance à davantage subir son métier et à s’isoler dans sa pratique de l’agriculture : peu de liens sociaux, peu de collaborateurs sur l'exploitation, un exercice du métier qui tient davantage à l'inscription dans la continuité de la tradition familiale. Ils sont aussi les moins engagés dans l’action syndicale, voire même dans la promotion de leur activité auprès du grand public ou des professionnels. On peut considérer que la nécessité qu’ils voient à faire la transition est plus perçue comme une contrainte associée aux normes qu’une question existentielle liée à la pérennité biologique de l'exploitation.

​On trouve chez eux un profil “bons élèves” qui éprouve des difficultés à trouver la bonne voie et les bons débouchés dans la transition écologique.  28% produisent en effet sous des certifications environnementales autres que la bio et ils constituent un groupe davantage “en conversion” : on trouvera donc dans ce groupe de personnes qui cherchent à s’adapter au mieux aux enjeux environnementaux, mais qui peuvent ressentir un certain découragement face aux problèmes de débouchés, de revenus auxquels ils font face.

Le fait qu’ils soient ceux qui considèrent le plus les accords de libre échange comme néfastes témoigne aussi d’une forme de désillusion, ces accords amenant concurrence déloyale et asymétrie des normes, mais aussi une vision du métier qui peut entrer en conflit avec celle, plus traditionnelle, dont ils sont porteurs.
 

"Le problème, c'est que ça change très régulièrement, donc... Ouais. Le problème, c'est qu'aujourd'hui, vous faites ça, mais demain..."

"Il faut qu'on accompagne aussi, parce qu'on a trop d'engagement économique et on ne peut pas se permettre aujourd'hui de baisser la production ou de faire des tests"

Je trouve qu'on a un décalage social avec le reste de la société qui… qui se creuse et… et ça, voilà, ça pénalise aussi pour donner de l'envie à des jeunes.

Corine, éleveuse canards et porcs depuis 2022

 1. Qui sont les pragmatiques résignés ? 

Qui sont-ils ?

Indicateurs socio-démographiques

  • Ils se caractérisent avant tout par un âge plus élevé que les autres, avec une sur-représentation chez les 55 ans et plus.

Profil de l'exploitant

  • Plus éloignés des parcours de formation, on trouve une représentation importante de personnes sans formation agricole ;

  • Signes d'un ancrage plus traditionnel, leurs compétences leur viennent de manière plus prononcée de l’agriculteur cédant (+7pts) et une installation plus prononcée depuis plus de 10 ans (+9pts)

  • Ils exploitent sur des surfaces de taille intermédiaire 100 à 150 ha (+8pts) 

16%

n'ont aucune formation agricole, contre 10% pour la moyenne de l'échantillon.

Pratiques écologiques

 

Ils sont moins entièrement certifiés bio que les autres, mais dans le même temps, on trouve chez eux une part plus forte de personnes dont la production est en partie certifiée bio (+6 points). Ils développent aussi davantage de pratiques agricoles sous certifications moins contraignantes (HVE +6pts).

28%

produisent sous des certifications environnementales autres que le label bio

2. Quelles sont leurs préoccupations, comment se sentent-ils représentés ?

Quelles sont leurs préoccupations ?

Préoccupations

  • Le contexte économique les préoccupe particulièrement (notamment les coûts et charges), de même que la politique agricole (principalement la PAC) ;

  • Ils disent davantage souffrir de la surcharge de travail et des lois et normes ; 

  • Le manque de débouchés est pour eux un soucis important ;

  • C'est chez eux que l'on trouve le plus de personnes spontanément inquiètes de l'interdiction des pesticides ;

  • En termes de priorités pour la politiques agricoles, ils sont très peu favorables à des aides à l’actif et davantage favorables à des aides à l’hectare ;

  • Signe encore de leur ancrage traditionnel, ils sont aussi très en soutien des aides forfaitaires pour les petites exploitations.

Représentation et syndicalisation

  • C’est avant tout le segment qui se sent le moins bien représenté dans le débat public ;

  • Peu socialisés et engagés dans les organisations agricoles, ils participent aussi moins à des événements grand public ou professionnels.

  • En terme de proximité syndicale, ils ont sensiblement plus de sympathie pour la Confédération paysanne (+4pts) que les autres, mais avec des intentions de voter en 2025 à -3pts par rapport à l’ensemble de l’échantillon..

90%

considèrent qu'en tant qu’exploitant agricole, ils ont l’impression que leur point de vue est mal voire très mal exprimé dans les débats publics, de façon générale, contre 84% sur la moyenne de l'échantillon

3. Où leur parler ?

Consommateurs d'information locales, les pragmatiques résignés s'informent sur l'actualité de manière plus prononcée via la presse et en particulier la presse régionale. Les radios locales constituent aussi des médias qu'ils suivent un peu plus que les autres. En ce qui concerne l'information professionnelle, les journaux des Chambres d'agriculture, très orientés vers l'accompagnement des pratiques au niveau local constituent une source d'information privilégiée pour eux. Signe enfin de cet ancrage local fort, leurs collègues agriculteurs constituent leur principale source d'information professionnelle.

Où leur parler ?

4. Comment leur parler ?

Ce qu'il faut prendre en compte pour les mobiliser

  • Assez isolés et ayant le sentiment de perte de contrôle et de retour en arrière, les instances représentatives sont pour eux l’apanage des gros ;

  • Leur faible confiance en l’avenir ne favorise pas leur engagement, alors qu’ils ne sont pas contre la transition, ils font même partie de ceux qui essayent, mais qui ont des difficultés à en tirer les bons revenus ;

  • La transition est pour eux la marche à suivre, mais ils n’ont toutefois pas d’attitude particulièrement conquérante vis-à-vis de celle-ci : ils se fient plutôt à leur “bon sens paysan”, celui qu’ils ont hérité de leur famille, qu’ils partagent avec un conjoint associé.

Comment leur parler ?

Comment les engager ?

  • Les inciter à tester des pratiques à leur échelle, avec d’autres agriculteurs issus de leur univers proche, en privilégiant une approche centrée sur la nature, la préservation des terres plus que la notion de “transition écologique” qui peut paraître floue chez certains ;

  • Palier leur isolement et développer un réseau de tiers de confiance, intervenant auprès d’eux localement, au sein des structures paysannes/agricoles informelles (fêtes de village notamment) ;

  • Valoriser leur volonté de s'adapter et privilégier des approches très appliquées et ancrées sur le terrain, mettant en scène des agriculteurs “réalistes” favorisant l’identification.

5. Quelques campagnes et dispositifs de communication desquels s'inspirer

Exemples de campagnes

Les valoriser dans leur adhésion à des valeurs, l'exemple du label Savoir faire 100% Côte d'or initié par la Chambre d'agriculture

  • Pour qui ?  Les agriculteurs et transformateurs du département 

  • Objectif : susciter l'émulation entre les agriculteurs du département 

  • Ce que l'on trouve intéressant :

    • Une marque ancrée localement, qui participe à renforcer le sentiment de fierté d’appartenance à une région agricole ;

    • Au-delà du discours fédérateur, importance donnée à la question des revenus avec la mise en avant d'un réseau de distribution garanti, qui permet aux agriculteurs, en plus d’être valorisés, de s’assurer des débouchés.

Capture d’écran 2024-07-31 à 13.53.26.png

Les inciter à tester des pratiques à leur échelle en leur redonnant confiance via des programmes dédiés : l'exemple de la formation "Farm"Her" de Hectar, soutenu par ENGIE :

  • Pour qui ? Les entrepreneures agricoles,

  • Objectif : donner confiance et favoriser l’émergence de la voix d’agricultrices dans la profession agricole

  • Ce que l'on trouve intéressant :

    • Un public agricole, les femmes, particulièrement désengagées, qui trouve par la formation la confiance nécessaire pour mieux faire entendre sa voix ;

    • Une approche en non-mixité permettant de susciter un sentiment de communauté et un climat de confiance entre paires ;
      La formation : un levier potentiel pour passer de la résignation à l’action ;

    • Pour Engie, une plateforme idéale pour ancrer sa communication sur le développement des ENR sur les exploitations.

Capture d’écran 2024-07-31 à 14.01.12.png

Les aider à sortir d'une forme d'isolement en participant à recréer du lien autour d'eux : l'exemple des pique-niques fermiers de Bienvenue à la Ferme

  • Pour qui ? les habitants ruraux et les agriculteurs du réseau “Bienvenue à la ferme”

  • Objectif : recréer du lien entre agriculteurs et grand public

  • Ce que l'on trouve intéressant :

    • Un réseau qui capitalise sur l’ancrage historique des fêtes de village pour recréer du lien entre le public et les agriculteurs
      Au-delà de l’aspect convivial, la mise en avant du terroir et de la fierté locale en assurant la présence des agriculteurs locaux participant à l’opération.

Capture d’écran 2024-07-31 à 14.07.13.png
Méthodologie

Rappel de notre méthodologie

Ce travail cherche avant tout à proposer des outils activables pour communiquer : il s’appuie sur une abondante recherche documentaire, de nombreux entretiens menés avec des chercheurs et des spécialistes du secteur ainsi que 3 sources de données quantitatives et qualitatives :

Les noms des personnes dont les verbatims sont cités ont été changés.

Voir le webinaire de présentation pour ALTAA
1h30

Consulter notre étude sur le mouvement des agriculteurs
 

Capture d’écran 2024-07-22 à 11.48.05.png
bottom of page