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ÉTUDE

 Plongée dans la tête 
des Laissés pour compte 

L’écologie prise en étau entre la défiance envers le système et la crise du pouvoir d’achat.

Oubliés du système, les Laissés pour compte ont le sentiment qu’ils vont encore l’être de la transition écologique. La contrainte sans le soutien ; le moralisation sans l’écoute. Alors qui sont-ils, comment mieux comprendre les préoccupations de ces Français qui ne parlent ni carbone, ni gaz à effet de serre mais qui pratiquent pourtant une écologie du quotidien ancrée dans le réel, pragmatique, celle du bon sens et du civisme. La sobriété ne les concerne pas, elle leur est imposée de longue date. Pris en étau entre les injonctions écologiques qui viennent « d’en haut » et leur quotidien pavé de difficultés, les Laissés pour compte représentent environ un quart de la population française qu’il est urgent de mieux comprendre et d’inclure dans la transition. C’est tout là l’exercice que nous tentons avec cette nouvelle étude.

Les Laissés pour compte, une famille de valeurs issue de la segmentation de Destin Commun. Clé de voûte de notre analyse, cette segmentation est basée sur 70 questions de psychologie sociale permettant de répartir la population française en 6 familles de valeurs, parmi lesquelles, les Laissés pour compte (LPC).

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 1. Fiche d'identité des Laissés pour compte : 
des individus en manque de reconnaissance qui évoluent dans un monde hostile et profondément injuste, à l'avenir bouché.

Pour mieux cerner les Laissés pour compte, il faut avant tout s'attacher à comprendre les valeurs et l'état d'esprit général qui les caractérisent :
 

  • Un fort pessimisme, déclinisme
    Le pays et le monde vont dans la mauvaise direction / sont dangereux.

     

  • Des fondements moraux basés sur la justice
    L’équité, l’autorité/l’ordre, la justice, la liberté dans le respect de l’autre et du civisme, le respect, la politesse.

     

  • Le travail, une valeur centrale
    Travail perçu comme un vecteur d’intégration sociale et de reconnaissance.

  • Des individus qui “subissent
    Peu de contrôle sur leur vie ; la chance et les circonstances définissent plus la réussite que le travail et l’effort.
     

  • En quête de reconnaissance
    Le sentiment d’être invisibilisé par la société, que celle-ci ne fonctionne pas
    pour eux,  une forme d'attente qui explique un potentiel de mobilisation.
     

  • Un fort sentiment de déclassement
    Un statut social ressenti bas, un manque de considération et un sentiment de dégradation par rapport au passé comme à l’avenir.

Un segment de la population particulièrement féminin, composé d’actifs de 35 à 60 ans, résidant le plus souvent en milieu périurbain et rural. Surreprésentés au sein des ouvriers, des employés et dans les métiers du "care" pour les femmes (secrétaire et assistante médicale, aide à la personne...etc), les Laissés pour compte occupent des emplois souvent pénibles et peu rémunérateurs qui expliquent des difficultés économiques importantes. Désintéressés de la politique, car "oubliés" et "jamais écoutés", ils ont une plus forte propension à ne pas voter ou à voter RN.

46%
des foyers ont un revenu mensuel inférieur à 2000€ (contre 37% pour la moyenne française).

+X points  =  variation par rapport à la moyenne française  

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COMPOSITION SOCIO-DÉMOGRAPHIQUE

Dans un contexte de défiance accrue envers les médias, le gouvernement et les institutions, le cercle de confiance des Laissés pour compte est de plus en plus marqué par la proximité, géographique et affective :

Zone de défiance maximale :  une très forte défiance envers le gouvernemenet la démocratie à tous les étages. La dimension internationale inquiète les LPC, tant sur le plan de l'immigration qui induit l'arrivée d'individus à aider alors qu'eux-même ne le sont pas assez, que sur le plan de la mondialisation qui profite toujours "aux plus gros".

Zone de défiance :  une vision de la société très divisée, marquée par une attitude de méfiance, aussi bien envers les autres, qu'envers les journalistes. Ils confessent ne "plus savoir qui croire". Dans un contexte d’inégalités importantes et croissantes, la concurrence des publics qui bénéficient d'aides ("assistés", migrants) joue à plein, eux qui ne sont pas assez pauvres, ou trop riches, pour en profiter.

Zone de confiance :  circonscrite à l’environnement proche et local, avec des parents, amis et voisins comme premier socle de sociabilité et d'information. Les agriculteurs jouissent d'un fort soutien car perçus, eux aussi, comme victimes du système malgré leur travail laborieux.

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“On parle beaucoup de tout ce qui est guerre à l'étranger. Il y a suffisamment d'actualités en France pour en parler ; la France est mise à l'écart. Je les plains, les pauvres. Mais bon, en France, il y a des gens à plaindre aussi. Je pense qu'il y a beaucoup de choses à faire déjà pour nous. Et qu'en France, il n'y a pas d'argent, mais on envoie tellement de gens à l'étranger pour les aider.”

 Annabelle, 50  ans - rural I  Loire (42)

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2. Laissés pour compte et écologie : 
Un sujet jugé aussi important que préoccupant vu à échelle de leur quotidien, avec des pratiques existantes mais non revendiquées comme écolo.

Pour les Laissés pour compte, l'existence du changement climatique ne fait aucun doute ; il est palpable et observable autour de chez soi avec de nombreux exemples, de la sécheresse de son jardin, aux températures records pendant les vacances. Une attitude partagée avec l'ensemble des Français. Ce qui distingue cependant les Laissés pour compte, c'est leur fatalisme quant à la situation, la conviction qu'il est déjà trop tard :
"Tout est déjà déréglé, donc après, même si on fait attention, c'est pour gagner des jours ou des mois."  Jérémy, 35 ans - urbain I Calvados (14).

On note une absence de vision systémique du sujet avec des évocations et des actions individuelles qui tournent autour du tri des déchets et des économies d'énergie. Si le sujet est flou, les figures de référence en la matière le sont tout autant. Ainsi, la majorité des Laissés pour compte disent ne pas connaitre d'acteur qui oeuvre pour l'environnement et les rares mentions des actions militantes laissent entrevoir une non lisibilité du but de l'action, ni même de l'organisation qui la mène : 

" Il y a des manifestations d'écolos, souvent, qui se mettent assis sur le périphérique parisien, qui bloquent le périphérique. Après, pourquoi ils font ça ? Très honnêtement, je ne sais pas pourquoi ils bloquent le périphérique.“ 
Nicolas , 23 ans - urbain I Seine-Saint-Denis (93)

DÉCHETS
est le mot le plus utilisé pour parler d'environnement et écologie. On soulignera l’absence totale des termes carbone, CO2, gaz à effet de serre, énergie fossile…etc.

Un flou général, mais pas d'hostilité vis-à-vis "des écolos". Etre écolo est d'ailleurs perçu comme une disposition exigeante, car c'est un peu "faire attention à tout", mais positive. Les Laissés pour compte respectent, et parfois admirent, celles et ceux qui mettent quelques actions en place autour de chez eux, mais ils ne se sentent pas de faire de même.

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Le pouvoir d’achat est une question centrale et autrement prioritaire
que le changement climatique pour les Laissés pour compte, 
avec un risque de tension entre les deux.

Top 3 des sujets prioritaires pour le France :

Laissés pour compte 
Population française

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Enquête de Parlons Climat, mars 2022, Kantar Public

La dimension économique crée un sentiment d'empêchement à agir chez les individus qui se sentent disposés à faire leur part. Ils se retrouvent alors pris entre les injonctions sociétales et leurs difficultés quotidiennes, ce qui génère rancoeur et frustration :

“Moi j'ai pas les moyens pour m'acheter un véhicule électrique à 40 000 euros pièce. Mais est-ce qu'ils se rendent compte de ce qu'ils font ? L'année dernière, mon véhicule principal est tombé en panne. Je l'ai remplacé par un véhicule diesel. Je n'avais pas les moyens de prendre un crédit sur 8 ans pour m'acheter une bagnole électrique (...) C'est aberrant. Pour moi, ce n'est absolument pas possible. C'est tout.”

Alain,  41  ans  - rural I Vendée (85)

Plusieurs études sur les classes moyennes et populaires mettent en lumière l'existence d'une écologie pragmatique, la fameuse "débrouille" qui ne se réclame nullement de l'écologie mais plutôt du civisme et du bon sens. Des pratiques bien ancrées, héritées de l’enfance et donc intériorisées qui font la part belle à l'entraide et au savoir-faire.

Avec une inflation qui dure depuis plusieurs mois,
les Laissés pour compte mettent en place différentes stratégies pour réaliser des économies, qui, lues sous un autre jour, pourraient se revendiquer écologiques :


1. Maîtriser son budget 

  • Réduire ses achats / sa consommation :
    Moins se déplacer / grouper les déplacements pour économiser du carburant ; acheter moins de produits alimentaires de luxe, comme la viande

  • Acheter moins cher :
    Chercher les promotions, notamment au supermarché ; acheter d’occasion


2. Recourir au système non marchand

  • Faire par soi-même (DIY) :
    Bricoler et réparer ; faire son potager (pour les ruraux)

  • Recourir à l'entraide :
    Prêter, notamment des objets utilitaires (outils de jardinage, électroménager...etc) ; pratiquer l’échange entre pairs ; proches ou voisins.

 

LA DÉBROUILLE
pour en savoir plus, lire l'article de Fanny Hugues sur la débrouille et les pratiques écologiques des classes moyennes et populaires en milieu rural.

 3. Parler écologie aux Laissés pour compte : 
des risques de rejet à désamorcer, mais aussi de potentiels leviers de mobilisation à utiliser.

Le risque de rejet de l'écologie est particulièrement fort chez les Laissés pour compte et ce, au regard de 3 constats majeurs :
 

  • La contrainte et la culpabilisation
    L’écologie tend à être reçue comme une injonction "venant d'en haut" sur fond de culpabilisation qui génère colère et crispation.

     

  • Le manque d'exemplarité
    Régulièrement médiatisé, le manque d’exemplarité du gouvernement et des élites génère un refus de faire sa part.

     

  • Le manque d'identification
    Peu d’émetteurs sur le climat incarnent aujourd’hui les LPC et leurs préoccupations, ce qui accentue leur non-adhésion, ou non-engagement.

“ J'ai l'impression qu'on me prend un peu pour une idiote. Si on me dit oui, tu comprends, avec ta voiture, tu pollues, oui, et je dois faire quoi ? Prendre le tram pendant 1h30 ? Le sentiment que j'ai, c'est qu'on nous impose plein de règles, mais que les gens qui imposent eux-mêmes, s'octroient beaucoup de libertés et ça devient un peu insupportable.”

Catherine, 46  ans - urbain I Hérault (34)

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Pour mobiliser les Laissés pour compte il faudra avant tout reconnaître et prendre en compte leurs valeurs, leurs préoccupations et les choses qui leur tiennent le plus à coeur. 
Parmi lesquelles 

Motivation faire des économies

Verbatim : “Le climat c’est important, mais le budget et l’argent ça doit être réglé en priorité, ça nous touche tous les jours.”

Approches adaptées : 

- Proposer des actions astucieuses ou malines
- Faire passer l’argument économique avant l'environnement et/ou lier les deux

LE POURVOIR D'ACHAT

Motivation : préserver l’avenir de leurs (petits) enfants

Verbatim : “Moi c’est pas grave, mais c’est pour mes enfants que je m’inquiète. Quelle planète et avenir on va leur laisser ? ”

Approches adaptées : 

- Placer les enfants comme principaux bénéficiaires des actions 
- Jouer sur la dimension de transmission et d’éducation des enfants

LES ENFANTS

Motivation : éviter le risque de maladie chez leurs proches

Verbatim : “Les pesticides, les antennes partout, les usines, la pollution, c’est sûr que ça  donne des cancers tout ça."

Approches adaptées : 

- Montrer / illustrer le lien entre pollution / climat et santé
- Faire le lien entre santé et alimentation, bien identifié chez une partie des LPC

LA SANTÉ

Motivation : changer radicalement le système économique qui ne leur profite pas.


Verbatim : “On ne nous écoute pas. C’est toujours les mêmes qui profitent de l’argent et du pouvoir .”

Approches adaptées : 

- Insister sur le caractère "juste" des actions / mesures proposées
- Expliquer comment des actions environnementales contribuent à changer le système

CHANGER LE SYSTEME

Motivation : préserver la qualité de vie et la nature aux portes de chez soi (solidarité à l’échelle locale).

Verbatim : “Il y a des problèmes d’eau pour les piscines des voisins et pour les agriculteurs du coin.”

Approches adaptées : 

- Donner la parole à des émetteurs locaux et “du terrain” (maire, agriculteur, pompier…etc)
- Montrer des exemples concrets de solutions positives dans la région

LE LOCAL

Motivation : améliorer et faciliter leur quotidien

Verbatim : “Avec les contraintes qu'on a, je ne peux pas faire autrement, c'est compliqué."

Approches adaptées : 

Être dans une approche servicielle

- Montrer l’éventail des actions au delà des “petits gestes”
- Mettre en lumière les synergies entre écologie et amélioration des conditions de vie quotidiennes

LE QUOTIDIEN

6 PRINCIPAUX LEVIERS D'ENGAGEMENT

Amélie Deloffre
Cofondatrice  de Parlons Climat

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Contactez Amélie !

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Méthodologie

Cette étude relève d'une approche méthodologique mixte qui s'appuie sur différents travaux, menés par Parlons Climat et d'autres.

1. Compilation de données issues d’études quantitatives, notamment issues des 5 enquêtes quantitatives suivantes, utilisant la segmentation de Destin Commun :

 

- Les Français parlent climat - Destin Commun et Parlons Climat (2022) I Kantar Public I 4000 Français dont 620 LPC

- Mobilité et transition (2023) - Destin Commun I Kantar Public I
2000 Français dont 450 LPC

- Agriculture et alimentation : le regard des Français -
Our Common Home et Parlons Climat (2022) I 2000 Français dont 360 LPC

- International trade and climate change - Our Common Home et Parlons Climat (2023) I 2000 Français dont 350 LPC


- Nouvelles voix - Destin Commun (2022) I 4000 Français dont 1000 LPC

2. Réalisation de 30 entretiens qualitatifs 

- R
ecueil : 30 entretiens d’1h30 réalisés par visio.
-
Date de terrain : octobre 2023
-
Recrutement : Laissés pour compte (en s’appuyant sur les questions et critères de Destin Com
mun), avec une attention à l’âge et au genre pour coller au segment des LPC, particulièrement féminin (18 femmes / 12 hommes) et 35-65 ans.

3. Lecture et échanges avec le monde académique, notamment des chercheurs qui étudient les classes moyennes et populaires :
- Benoît Coquard
- Fanny Hugues
- Léa Billen

Voir le webinaire de présentation
 45 minutes

Consulter les recommandations stratégiques
tirées de notre programme Les Français parlent climat

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Les Français parlent climat

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