Leur vision du monde se structure autour :
Leurs valeurs, leurs fondements moraux se structurent autour du principe d’équité, de justice au sein de nos sociétés. Ils sont profondément empreints des valeurs de gauche, auxquelles ils s’identifient. Leurs convictions politiques sont un élément fort de leur identité.
Ils n’ont pas un rapport fort à l’autorité, et ne pensent pas que la France ait besoin d’un vrai chef (à la différence des autres familles de valeurs). A l’inverse, ils valorisent l’indépendance, l’autonomie, la créativité et la curiosité. Ils ne sont pas conservateurs, rejetant l’idée d’un ordre naturel des choses.
C’est un segment légèrement plus féminin que la moyenne, un peu plus représenté parmi les CSP+. Ils sont beaucoup plus diplômés que la moyenne. Ils sont un peu plus nombreux à vivre seuls, à ne pas être marié ou pacsé et à ne pas avoir d’enfants. Ils utilisent moins la voiture que la moyenne des Français.
Ils ne se distinguent pas par l’âge, la taille de l’agglomération où ils vivent ou leurs difficultés financières : sur ces critères ils sont dans la moyenne des Français.
Politiquement, ils se positionnent beaucoup plus que la moyenne des Français à gauche et votent également beaucoup plus pour des candidats/partis de gauche (intentions de vote en mars 2022 : 22% Jean-Luc Mélenchon vs. 11% en moyenne ; 10% Yannick Jadot vs. 4% en moyenne). Ils votent beaucoup moins pour l’extrême-droite que la moyenne des Français (4% Marine Le Pen vs. 15% en moyenne, 2% Eric Zemmour vs. 7% en moyenne).
Les Militants désabusés sont la seule famille de valeurs à positionner l’environnement et le changement climat comme leur 1re priorité pour la France. Suivent le pouvoir d’achat et les inégalités sociales, ce qui montre leur lecture double des enjeux actuels : environnementaux et sociaux.
La crise climatique est un sujet “important” pour eux, bien plus que pour la moyenne des Français.
Ils considèrent par ailleurs plus que la moyenne que la dégradation de l’environnement et la crise climatique sera “très préjudiciable” pour eux (43% vs 34% en moyenne) mais aussi “très préjudiciable pour les générations futures” (83% vs. 68% en moyenne).
La cause du changement climatique est claire pour eux : ils sont 85% à la lier à l’activité humaine (vs. 75% en moyenne).
Cette priorisation de l’enjeu climatique et environnemental, associée à leur lecture forte des inégalités sociales au sein de la société, entraîne une ambivalence : les Militants désabusés ont tendance à prioriser l’action environnementale sur le coût de la vie mais témoignent surtout d’un refus d’opposer ces sujets. Alors que cette famille de valeurs à moins tendance à répondre “je ne sais pas” que d’autres, ici ils sont 23% à ne pas se prononcer, témoignage de cette difficulté à se positionner.
La colère ressentie, face à l’inquiétude du constat dressé et associé à l’impuissance ressentie alimente leur radicalité, leur contestation, notamment en direction des acteurs qui devraient selon eux en faire plus : le gouvernement, les grandes entreprises, le système en général. Cette colère fait écho à la vision globale des Militants désabusés : celle d’une société qui ne va pas dans le bon sens et reste inactive, malgré une vision claire aujourd’hui pour eux de ce qu’il faudrait faire.
Pour 64% des Militants désabusés, le sujet du climat est une préoccupation pour tout le monde, quelles que soient ses conditions ou son niveau de vie (vs. 54% en moyenne des répondants). C’est un enjeu universel.
Ils sont 76% à considérer que “pour que des changements importants dans nos modes de vie soient acceptables, il faut qu’ils soient partagés de façon juste entre tous les membres de la société” (vs. 64% en moyenne des répondants). Rappelons que dans leur fondements moraux, l’équité tient une place de premier choix. Quand on leur demande “lorsque le gouvernement écrit des lois, il devrait avant toute chose s’assurer que tout le monde est traité de façon équitable”, ils sont 85% à exprimer un fort accord, contre 69% en moyenne.
A cette notion d’une transition « juste », s’ajoute celle d’une transition démocratique et collective pour qu’elle soit acceptable.
Mais leur réponse à la question « nous devons tous contribuer de la même manière, quelque soit notre niveau de vie », en deçà d’autres familles de valeurs, met en lumière ce que les Militants désabusés entendent par équité et « juste » : une approche qui prend en considération l’enjeu des inégalités sociales, sujet très haut dans leurs priorités.
La préservation des sites naturels et de la beauté de la nature est un levier de mobilisation pour toutes les familles de valeurs, Militants désabusés compris. Les conditions de vie et la santé des enfants est également un vecteur fort, en lien avec leur vision que la crise climatique sera “très préjudiciable” pour les générations futures”.
Les Militants désabusés inscrivent par ailleurs la crise climatique dans une perspective internationale. Ils sont ainsi plus inquiets des risques de pénuries alimentaires et de familles ou des risques de guerre que la moyenne des Français.
Les Militants désabusés rejettent le système tel qu’il est aujourd’hui, source d’inégalités et d’injustices. Pour 86% d’entre eux, le modèle économique actuel n’est pas compatible avec la lutte contre la crise climatique (vs. 69% en moyenne). Mais le diable est dans les nuances : au sein de ces 86%, ils sont bien plus nombreux que la moyenne à répondre “pas du tout compatible”, illustration de la radicalité de leur point de vue sur la question.
Pour 66% des Militants désabusés, les règles collectives doivent limiter les comportements individuels nocifs pour l’environnement et la lutte contre la crise climatique (vs. 57% en moyenne). Cette famille de valeurs attend beaucoup de l’Etat, du gouvernement.
Ils valorisent l’action des citoyens, des associations et des militants du mouvement climat face à la crise climatique, et attendent beaucoup plus des acteurs systèmiques, en premier lieu desquels le gouvernement et les grandes entreprises.
Les Militants désabusés sont moins réceptifs aux arguments pour de ne pas agir, souvent évoquées : les gros pollueurs ne font rien, la technologie est une solution, la vie va devenir plus difficile, les générations futures arriveront à s’adapter. Ils sont d’ailleurs plus nombreux à rejeter l’idée que “c’est trop difficile pour quelqu’un comme moi d’agir à son niveau” : ils sont 65% à ne pas être d’accord avec cette affirmation (vs. 54% en moyenne).
Mais ils déclarent autant que la moyenne avoir certaines difficultées à agir :
Même s’ils sont beaucoup plus engagés que la moyenne des Français, ils sont confrontés aux mêmes obstacles.
Les Militants désabusés sont fortement engagés dans la société. Cette famille de valeurs est plus mobilisée que les autres, notamment sur les actions les plus politiques ou contestataires. Par ailleurs, ils parlent politique avec leurs collègues ou leurs proches beaucoup plus que la moyenne (69% d’entre eux vs. 48% en moyenne) et aiment plus débattre, confronter leur point de vue à celui des autres que la moyenne.
Ils se sentent pleinement faire partie du mouvement en faveur de l’environnement et de l’écologie. Avec les Stabilisateurs, ce sont les deux familles de valeurs qui se sentent le plus intégrées dans ce mouvement et qui valorisent le plus le rôle des associations et des militants du mouvement climat.
Dans les actions individuelles qu’ils font déjà, on voit que les Militants désabusés sont déjà très mobilisés et actifs pour limiter leur consommation de viande. Sur ce point, ils sont particulièrement « en avance » sur le reste de la société.
Dans ce qu’ils se déclarent prêts à faire, ressort chez les Militants désabusés un soutien aux énergies renouvelables, de l’installation d’éoliennes près de chez eux à l’utilisation d’énergies renouvelables au quotidien, même si c’est un peu plus cher. Ils sont en deçà sur la viande, du fait de leur limitation déjà opérée (cf. schéma ci-dessus).
Le défi de communication est de maintenir la volonté d’engagement et de mobilisation des Militants désabusés, en leur apportant des raisons d’y croire et en leur donnant les moyens d’être les ambassadeurs de la cause.
Pour y arriver, il est clé de :
1/ MONTRER LA RÉUSSITE ET LES AVANCÉES permises par leur engagement pour le climat ou de façon plus large dans les causes sociétales. A ce titre, la communication de l’Affaire du Siècle est intéressante dans la mesure où il s’agit d’une communication qui fête et insiste sur les réussites.
2/ ABORDER LA QUESTION CLIMATIQUE DE FAÇON SYSTÉMIQUE. Le discours aura de l’impact auprès des Militants désabusés s’il inscrit la cause climatique dans la cause plus large d’un changement du système. Le groupe SoPress aborde bien cette notion d’insatisfaction de l’état des choses lorsque dans la campagne pour son trimestriel SoGood ils lancent l’accroche “Si ce monde vous va, ne nous lisez pas”.
3/ LES ÉQUIPER POUR ÊTRE LES AMBASSADEURS DE LA CAUSE en leur donnant les clés d’un discours ouvert qui engage avec puissance d’autres types de profils que ceux des Militants désabusés.
4/ VEILLER à ne pas accroître leur anxiété, ou bien à encourager leur radicalité et leur pessimisme. A cette fin, il est utile de les mobiliser en positif, en faveur de mesures ou d’actions.
Dans la communication, quatre déplacements permettront de faire évoluer la façon dont on communique avec eux :
1/ Un TON pessimiste risque d’accroître leur angoisse et donc de les paralyser. En revanche, ils sont réceptifs à un ton à la fois militant et honnête sur la difficulté de l’engagement, lucide et objectif. Ils ont également besoin d’un ton positif et très valorisant sur leur rôle. “We are the ones we have been waiting for!” pouvait-on lire sur des affiches appelant à la mobilisation en marge de la conférence de Paris sur le climat en 2015.
2/ En termes d’ANGLE, le sujet du climat aura plus d’impact s’il est inscrit dans un discours plus large de changement du système (capitaliste, inégalitaire, sexiste, etc.). A l’inverse, un discours fractionné, qui se concentre sur des fragments du combat (ex: trop se concentrer sur les écogestes) aura tendance à les désengager car il sera jugé comme simpliste.
3/ En termes de TEMPORALITÉ, les Militants désabusés sont sensibles à une vision sociale de long terme, qui prend racine dans l’action individuelle et collective aujourd’hui. En revanche, une communication qui donne l’impression de repousser le sujet dans le futur, qui ne valorise pas l’action au présent, sera contreproductive.
4/ Enfin, en matière d’ESPACE, ils sont sensibles à un discours sur la dimension mondiale du changement climatique qui touche aussi bien au plus près de chez eux que des populations éloignées. Nous pouvons aussi aborder la question sous l’angle du multiculturalisme. En revanche, il faut veiller à ne pas aborder le sujet de l’immigration de façon négative. Cela les désengage fortement.
La conversation avec eux peut s’établir autour des thématiques et valeurs que nous avons en commun. Lorsqu’il s’agit de faire un choix de thématique à aborder via des contenus ou une campagne, nous gagnerons leur attention en parlant avec eux de :
1/ CLIMAT : c’est l’un des segments qui s’intéresse au climat en tant que tel. A creuser donc avec eux sous le prisme scientifique et sociétal !
2/ JUSTICE : sous l’angle de la recherche d’égalité et d’équité : justice sociale et climat, féminisme, solidarité internationale, anti-racisme, etc.
3/ NOUVELLE SOCIÉTÉ : transitions écologique, énergétique, etc. Mais aussi rôle de l’Etat pour faire advenir cette nouvelle société.
4/ ENGAGEMENT : citoyen pour faire advenir cette nouvelle société au travers du militantisme, de la création, de la science.
Leur cercle de confiance inclus les experts, les médias et les corps intermédiaires :
51% des Militants désabusés n’ont pas confiance dans les membres du gouvernement pour obtenir une information fiable sur un sujet qui leur tient à coeur.
Quelques recommandations d’émetteurs potentiels – qu’il conviendra bien sûr de tester :
Ils sont consommateurs d’informations et ont une consommation multicanale.
Les canaux de communication par lesquels ils s’informent en premier :
Leur chaîne de télévision les plus consommées : France 2, Arte (et regardent plus que la moyenne France 5 et France Info).
Les journaux les plus lus (en formats papier ou numérique) : Le Monde, un journal régional, 20minutes. Mais aussi bien plus que la moyenne Mediapart, Libération, Nouvel Obs.
Les radios les plus écoutées : France Inter, France Info (et écoutent beaucoup plus que la moyenne France Culture).
Les réseaux sociaux les plus utilisés : Facebook, Youtube, Instagram. 18% d’entre eux utilisent Twitter vs. 11% en moyenne.
Et je n’oublie jamais de me référer aux conseils et étapes de « mieux parler d’écologie », issus de la synthèse de la recherche en climate communication !