Actu. Le backlash écologique est partout dans les médias, qui utilisent ce terme aux contours flous pour décrire une grande vague anti-écologique prête à engloutir tous les progrès acquis sur le front de la transition ces dernières années. Or si recul il y a, il concerne les décideurs politiques. En effet rien, dans les données d’opinion publique, ne montre un retournement massif de la population.
Et si, à force de parler de “backlash écologique”, on finissait par le provoquer ? Ces dernières semaines, nous avons observé dans les médias une montée d’un discours alarmiste sur un “retournement”, un “grand renoncement”, sur fond de “montée du climato-scepticisme”. Les journalistes et éditorialistes, en se concentrant sur les discours politiques et les commentaires, oublient souvent d’examiner l’opinion réelle de la société. Or, cette dernière est stable dans son soutien à la transition, nous allons y revenir. Cependant, à entendre en permanence que le climat, c’est fini, la population pourrait se désengager. In fine, ce traitement médiatique et politique, qui sous-entend un retournement de la population dont on ne trouve pas trace, pourrait influencer le regard des Français et pourrait donc se transformer en prophétie auto-réalisatrice.
Qualifier un "backlash" nécessite de prendre en compte non seulement les discours politiques mais aussi l’opinion publique. Et de ce côté, deux points montrent que l’opinion ne s’est pas retournée sur les questions écologiques : la priorisation de l’enjeu reste haute, tout comme l’importance accordée au sujet, et le soutien aux politiques publiques requises est fort.
L'importance portée à la question de l'environnement est stable
Le premier point concerne les préoccupations des Français. L’enjeu climat reste un sujet de société majeur, identifié par la population comme un des cinq enjeux principaux pour l’avenir du pays. Certes, on observe une légère baisse de la priorisation de l’enjeu climatique et environnemental au sein de la population, mais seulement de 4pts par rapport à 2022. Et lorsque l’on regarde sur un temps plus long, le dernier baromètre de l’ADEME indique que 25% des Français font de cet enjeu une priorité. On note une baisse importante par rapport au pic de 2019, mais le niveau actuel reste supérieur à celui des années 2015-2018. Quant à l’importance portée à la question de l’environnement, notée par chaque individu de 1 à 10, oscille elle entre 7,6 et 8,1 depuis 10 ans, elle a d’ailleurs légèrement augmenté entre 2023 et 2024. Autrement dit, on assiste plutôt à un plateau des préoccupations climat dans l’opinion, après un pic, dans un contexte où crise économique et géopolitique font passer d’autres sujets (pouvoir d’achat, sécurité) en priorité.
Le soutien aux politiques publiques de lutte contre le changement climatique est fort
Deuxième point : il y a un soutien fort en faveur des politiques publiques de lutte contre le changement climatique. Dans notre dernière étude, nous avons en effet testé 13 politiques publiques de transition et les résultats sont clairs : chaque individu en soutient en moyenne 8,8 sur 13. Surtout, 10 des mesures testées sont soutenues par la majorité de la population et plusieurs sont consensuelles (plus de 70% d’adhésion). Sur un temps plus long, lorsqu’on regarde l’évolution du soutien à 10 politiques publiques écologiques sur plusieurs années, leur soutien moyen augmente avec le temps, passant de 58% en 2018 à 64% en 2024 (ADEME).
Au-delà de la France et des questions d’opinion, puisque la perception du backlash a une dimension internationale, il est intéressant de noter que les politiques publiques de transition, lorsqu’elles sont mises en place, ne donnent que rarement lieu à du backlash. Une étude récente sur 50 politiques climatiques contraignantes mises en place dans les pays de l’OCDE montre que seulement 6 ont généré un backlash. Deux d’entre elles ont d’ailleurs généré ce que les auteurs appellent un “backlash positif”, exigeant des politiques plus ambitieuses. Les quatre restantes ont une caractéristique commune : elles consistaient en des taxes carbone, sous une forme ou une autre.
Un changement de cap politique, plus qu’un backlash
Finalement, il nous apparaît que le “backlash écologique” évoqué dans les médias est d’abord et avant tout un changement de cap d’une partie des élus et gouvernants. Les décideurs français et européens mettent désormais la question climatique et environnementale au second plan. Ils reviennent sur un certain nombre d'avancées législatives et réglementaires, se prononçant parfois fortement contre toute politique à ce sujet.
Par leurs discours et décisions relayés dans les médias, certains responsables politiques entretiennent l’illusion d’un backlash généralisé. Or, s’il est évident dans les décisions comme les discours des gouvernants européens et français, on n’en trouve pas de trace probante dans l’opinion. Mais soyons attentifs, ensemble : laisser croire à un backlash généralisé, c’est risquer d’en créer un.
📌 Sources
La 25e vague du baromètre de l’ADEME sur les représentations sociales du changement climatique ainsi que les vagues précédentes
"Public responses to hard climate policies in OECD member countries: prevalence of contention at the post-adoption stage", Anisimova, K. V., & Patterson, J. J.
“Dynamic Norms Promote Sustainable Behavior, Even if It Is Counternormative”, Gregg Sparkman et Gregory M. Walton